INTERVIEW : Enprobel, pour une économie circulaire bien huilée

23/03/2021 | INTERVIEW : Enprobel, pour une économie circulaire bien huilée |

Les frites, on en raffole ! Mais saviez-vous que près d’un belge sur deux déverse son huile de friture dans les canalisations ? BeCircular a rencontré Nahla et Imad, un couple de jeunes entrepreneurs bruxellois qui a pour mission de redorer le blason à nos chères frites !

Enprobel, qu’est-ce que c’est ?

Enprobel, un ENvironnement PROpre pour notre BELgique, est né du constat que, si la Belgique est le pays de la frite, trop d’usagers ne savent que faire de leur huile / graisse de cuisson. Même s’il existe des solutions pour s’en débarrasser durablement (parcs à conteneurs, points de collecte OlioBox), celles-ci ne sont pas présentes dans tous les quartiers bruxellois, ce qui décourage les usagers à aller les déposer. D’autres ne savent pas que ces solutions existent, et les graisses de fritures finissent bien souvent dans nos canalisations.

Il faut savoir que déverser les huiles dans les canalisations pose une double problématique : cela finit non seulement par boucher les canalisations, ce qui crée des coûts de réparation et d’entretien, mais cela pollue inutilement beaucoup d’eau (1 litre d’huile peut polluer 1000 litres d’eau). En plus, l’huile asphyxie les bactéries utilisées dans les stations d’épuration pour assainir l’eau, donc l’eau polluée est difficile à purifier.

Notre but est de résoudre ce problème de manière durable et circulaire en allant chercher ce « déchet » là où il est. Nous nous occupons de la collecte des huiles alimentaires usagées auprès de cuisines professionnelles et de particuliers bruxellois. À l’origine, nous ne nous occupions uniquement de l’achat des huiles usagées auprès de restaurateurs belges afin de les revendre à un fondoir de graisses. Ceux-ci les traite pour en faire une base pour le biocarburant. Nous avons depuis lancé Oiliris, qui s’adresse aux particuliers bruxellois, chez qui nous allons gratuitement collecter les huiles et les graisses périmées (il faut remplacer son huile de friture tous les 10-15 usages). Cela permet aux usagers n’ayant pas de point de collecte près de chez eux, ou n’ayant pas la capacité de le faire, de se débarrasser de manière durable de leurs huiles. Concrètement, nous équipons gratuitement un immeuble ou une maison d’un contenant de 50 à 150 litres. Il suffit ainsi de jeter les bouteilles d’huile directement dans le bidon.

Qu’est-ce qui vous différencie d’autres entreprises de récupération d’huile usagée ?

Enprobel n’est pas une grande entreprise avec une flotte de camions ; nous ne sommes que deux et nous avons une camionnette. Si cela ne nous permet pas de concurrencer avec les plus grands du marché, nous offrons néanmoins un service flexible et qui s’adresse à des usagers à taille humaine. Si quelqu’un a besoin de nous, il suffit de commander un passage et, si c’est pour un retrait sur la région bruxelloise, nous serons là avant la tombée de la nuit ! Voire après, pour les restaurateurs qui en ont besoin. De plus, les plus petits usagers tels que les cantines d’entreprises ou d’écoles, les centres de repos etc. sont souvent refusés par les gros collecteurs d’huile car ils ne produisent pas des quantités qui les intéressent. Enprobel est là pour combler ce vide.

En quoi Enprobel s’inscrit-il dans une démarche d’économie circulaire ? Pourquoi est-ce intéressant de favoriser l’économie collaborative à Bruxelles et ailleurs ?

Pour nous, il est important de promouvoir l’économie circulaire parce notre activité en est témoin : écologie rime avec économie ! Lorsqu’on décide de récupérer les huiles, on voit qu’après traitement, leurs utilisations sont infinies ! Ce « déchet » peut servir à la production de biocarburant, mais aussi à graisser les chaînes de vélo, à créer des bougies ou des savons etc.

Au-delà de la ressource qui est sauvée et qui crée à nouveau de la valeur, nous sommes aussi témoins du potentiel d’emploi qu’apporte l’économie circulaire ! À notre petite échelle, nous avons créé deux jobs, les nôtres. Mais l’huile récupérée est ensuite traitée, redistribuée et retransformée pour une série d’utilisations. Tous ces emplois existent grâce à l’économie circulaire.

Votre entreprise a été soutenue par GreenLab et a été lauréate BeCircular en 2019. Comment ces soutiens vous ont-ils aidé à développer votre activité ?

Grâce au GreenLab, nous avons bénéficié d’un coup de projecteur médiatique incroyable. Mais au-delà de ce boost bienvenu, le GreenLab et sa formation nous a permis d’identifier tous les tenants et aboutissants de notre projet Oiliris (la collecte gratuite destinée aux particuliers bruxellois). Cela nous a aidé à avoir un projet qui tenait la route et qui a pu être sélectionné par le jury BeCircular en 2019.

Nous encourageons de tout cœur les startups bruxelloises à faire bon usage des possibilités de soutien et d’encadrement que la Région met à disposition.

Quel est votre plus grand défi dans votre activité ?

La concurrence ! Nous achetons les huiles usagées aux restaurateurs, et certains de nos concurrents plus établis peuvent se permettre de proposer des prix d’achats plus élevés que les nôtres. Mais nous jouons des coudes et avons réussi à faire notre place parmi la concurrence ! 

La crise du COVID nous a malheureusement touché de plein fouet : 90 % de notre activité dépend du secteur de l’HORECA qui, lui aussi, souffre énormément de la crise sanitaire. Nous sommes dès lors très reconnaissants à l’écosystème bruxellois et aux coaches qui nous ont suivi jusqu’à présent et qui continuent de nous donner de bons conseils. Créer une startup demande un investissement personnel complet et ne laisse que très peu de temps à la prise de recul, le ralentissement de nos activités à cause du COVID nous a permis de réfléchir à diversifier nos activités pour augmenter notre résilience. Même si les temps sont difficiles, nous avons confiance en notre projet et, quoi qu’il arrive, on garde la frite !

Envie d’en savoir plus sur Enprobel? Retrouvez leur site oncollectevoshuiles.be.