Opération Phosphore : du biodéchet à la ressource

29/11/2017 | Centre d'Ecologie Urbaine - Worms Asbl - Bruxelles Environnement - Agence Bruxelles Propreté - Commune de Schaerbeek - Roots - Refresh Brussels |

Contexte et objectif

Actuellement, les déchets organiques représentent environ 50% du poids total moyen du sac blanc (tout venant) bruxellois. Chaque année, près de de 200 000 tonnes de déchets organiques (déchets alimentaires et déchets verts) sont collectés et traités en Région de Bruxelles-Capitale (RBC) par l’Agence Bruxelles-Propreté (ABP) principalement. L’immense majorité de ces déchets organiques sont traités à l’échelle industrielle.

Les déchets alimentaires sont pour grande partie (79%) brûlés à l’incinérateur de Bruxelles (flux linéaires), valorisés dans les composts de jardin (10%) ou encore, depuis l’instauration récente du sac orange, bio méthanisés (1%) à Ypres. Enfin, une partie encore infime est valorisée dans les composts de quartier (<1%).

Les déchets verts des jardins privés et parcs sont principalement compostés (10%) dans les unités centralisées de Bruxelles-Compost de Forest et de Grimbergen.

La gestion avec valorisation énergétique de ces déchets présente tout de même des inconvénients. L’incinérateur de Bruxelles génère de l’énergie mais sans production de digestat valorisable. L’usine de biométhanisation permet également une valorisation énergétique mais produit en plus un digestat valorisable. Ce digestat est cependant de qualité moindre que celle des composts de quartier ou du compost industriel de Bruxelles Compost. Compte tenu des énormes quantités de déchets organiques générées annuellement à Bruxelles, le  traitement industriel sera toujours nécessaire et pertinent à moyen terme en ce compris durant la  transition potentielle du système.

Parallèlement, des scientifiques ont identifié le pic de production de Phosphore aux alentours de 2030. En outre, depuis les années 1960, les terres agricoles belges perdent leurs éléments nutritifs et donc leurs qualités agronomiques. En clair, d’un côté on brûle par centaines de milliers de tonnes des ressources qui pourraient être valorisées et enrichir les terres urbaines et surtout périurbaines de  Bruxelles tandis que de l’autre, les engrais de synthèse phosphatés massivement utilisés en agriculture conventionnelle ont une vie limitée dont il faudra tenir compte à moyen terme.

Toutefois, un mouvement parallèle de valorisation décentralisée de ces déchets existe depuis des années à Bruxelles, à l’échelle locale.

Les acteurs qui valorisent leurs déchets organiques de manière décentralisée sont nombreux : ménages, collectifs de citoyens, écoles, restaurants, magasins, citoyens, bureaux, entreprises, etc. Souvent, ils utilisent des techniques de traitement très performantes au plan environnemental (compostage, valorisation animale, micro-digestion etc.), génèrent une ressource de qualité très élevée (compost, etc.) et réinjectent  en cycles courts  des nutriments essentiels à la vie (phosphore, azote, sels minéraux) dans le circuit alimentaire.

C’est dans ce contexte qu’un projet ambitieux a vu le jour à Bruxelles: l’Opération Phosphore. Depuis février 2017, Le projet est porté par un consortium d’acteurs (Centre d’écologie urbaine asbl, Worms asbl, Agence de Bruxelles-Propreté, Bruxelles Environnement, ULB-LOUISE) aux compétences complémentaires et représentant la diversité des compétences nécessaires pour modifier structurellement le système de gestion des matières organiques à Bruxelles.

Le projet Phosphore se nourrit d’articles scientifiques, d’études techniques, de travaux et discussions parlementaires, d’experts bruxellois et étrangers et surtout, de porteurs de projets essentiellement bruxellois qui mettent en place des innovations techniques et/ou sociales en faveur d’une gestion écologique de leurs ressources organiques.

Les acteurs locaux innovants : les living labs

Ces acteurs bruxellois – des écoles, des magasins, des administrations, des entreprises etc.- mettent en place une (ou plusieurs) innovation(s) de traitement de leurs biodéchets qui sont identifiés par l’Opération Phosphore se voient proposer de devenir living lab de Phosphore et de rejoindre la « communauté Phosphore ».

 

Chaque living lab a trois objectifs :

  1. Quantifier les quantités de déchets organiques qui sont gérés de manière écologique (compost, poules, micro-biométhanisation, etc.) ;
  2. Documenter étapes qu’ils ont suivi pour innover et les solutions qu’ils ont mises en place pour surmonter ces difficultés ;
  3. Diffuser à des acteurs comparables à eux-mêmes les résultats de leur parcours, lorsque leur innovation, qu’elle soit technique et/ou sociale, est mature.

 

Deux exemples concrets :

  1. le living lab « magasin » Roots entend mettre en place un circuit court et circulaire du déchet organique. Le magasin achète les produits alimentaires à des producteurs locaux triés sur le volet ; vend ses produits à ses clients qui, plutôt que de jeter leurs déchets compostables (restes d’épluchures etc.) les ramènent dans une installation de collecte temporaire des matières organiques se situant devant le magasin. Ce « pré compost » sera ensuite à terme ramené par les producteurs sur leurs champs.
  2. Le living lab « commune » de Schaerbeek part du constat que la reprise des déchets verts issus des tailles de parcs etc. coûte près de 30 000 euros chaque année. Parallèlement, plusieurs composts de quartier schaerbeekois sont en demande de carbone pour équilibrer leur compost. La commune a donc décidé de mettre en place une collaboration entre les services espaces verts et développement durable et les composts de quartier afin de re-circulariser ces déchets verts qui seront à terme transformés en compost local de qualité élevée.

L’Opération Phosphore entend mettre en lumière ces nombreux acteurs innovants et surtout, faire remonter leur potentiel dans le cadre d’un nouveau système de gestion des matières organiques. Ce système reposerait sur la complémentarité entre les techniques industrielles utilisées à l’heure actuelle (incinération avec récupération de chaleur, compostage centralisé, biométhanisation) et les innovations techniques et sociales décentralisées mobilisées par les livinglabs.

 

Vous pouvez découvrir d’autres initiatives et rejoindre ces acteurs en vous rendant sur le site web de l’Opération Phosphore (www.operation-phosphore.brussels).

L’opération Phosphore est un projet financé par Innoviris.

Auteurs : Simon De Muynck, Swen Ore et Francisco Davila, Olivier Bosteels